La cense de Coussebourne

Le hameau de Coussebourne, Cousebourne ou Cosebourne (aujourd’hui le Poirier, sur Audrehem) faisait jadis partie des vingt-neuf seigneuries mouvantes de la châtellenie de Guînes, d’après la Topographie du comté de Guînes, par M. Courtois (1).

Ce nom de lieu d’origine germanique, que l’on trouve dans les chartes sous la forme Cuse-brona, vient de kuysh-bron, c’est-à-dire « source limpide ». Le suffixe bron (allemand brunn, anglais bourn, etc.), qui désigne une source ou une fontaine, se retrouve dans d’autres noms de la région, notamment Courtebourne (hameau de Licques) ou la Brunelle (l’un des affluents de la rivière d’Hem). (2)

Les « Monts » qui ceinturent le Pays de Licques (partie septentrionale du massif des Collines de l’Artois), culminant à environ 200 m d’altitude, sont en effet à l’origine d’un écoulement naturel qui donne naissance à plusieurs cours d’eaux, lesquels ont influencé la toponymie locale. Ceux-ci se fondent ensuite dans la rivière d’Hem avant de s’écouler au nord vers la plaine flamande et de rejoindre l’Aa, qui se jette finalement dans la Mer du Nord, à Gravelines.

Justin de Pas nous apprend, dans sa Statistique Féodale, que la seigneurie de Coussebourne appartenait en 1568 à « mademoiselle de Renty » (3) : il doit y avoir un proche lien de parenté avec Guillaume, bâtard de Renty (dit aussi Guillaume d’Embry), signalé dans le terrier de Tournehem pour un fief à Audrehem, et que nous avons déjà rencontré en 1503 dans les chartes de Saint-Bertin (cf. Familles ayant des fiefs à Audenfort au XVIe siècle) ; et avec Oudart de Renty, seigneur de Quillem, qui tenait en 1543 du château de Tournehem la seigneurie de La Motte, à Audrehem (4).

A la même époque, la cense de Coussebourne appartenait en fief à Pierre Meldeman (fils de Philippe et de Marguerite du Fay), qui l’a baillée à ferme peu de temps auparavant (11 février 1566) à un certain Michel Quieboeuf, comme nous l’apprenons dans le rôle du centième d’Artois de 1569 (5) :

« Michel Quieboeuf tient en ferme et louage de Pierre Meldeman fils Philippes un manoir amazé de maison et grange situez à Courseborne faisant front de zut sur la rue du dit lieu avec tous les appendances contenant environ vj xx mesures (6×20 = 120 mesures) comme est apparut de la copie du bail exibée par le dit Michel signez de Marguerite du Fay demeurant (à) Abbeville mère et tutrice légitime dudit Pierre (Meldeman) son fils enffant mineur en datte de l’onzième jour febvrier 1566 par payant par chacun an quarante six livres monnoye de France rendue audit Abbeville aussy à la charge de desservir le fief dudit Pierre et employer demi cens de gluy (?) par an sur les amazements lesquels gluy (?) et servitude (?) ont été estimez pour augmentation de rendage le tout conformément à l’ordonnance de Sa Majesté à lxiiij s (64 sols) dite monnoye (etc.) »

D’autres Meldeman sont également signalés à Audrehem, dans le rôle du centième de 1569 : Pierre Meldeman fils Pierre (f° 365), Pierre Meldeman mareschal (idem), Nicolas Meldeman (f° 365-366), Jean de Meldeman (f° 369).

Ce nom est d’ailleurs attesté plus anciennement dans cette paroisse, où l’on peut citer, d’après le terrier de Tournehem (6) : Guillaume et Charles Meldeman, hommes de fief de la Motte d’Audrehem vers 1480 ; Wyart Meldeman, homme cottier d’Audrehem ; Flourens Meldeman, tenant fief d’Audrehem en 1542, pour le fief Lambresticq.

Notons que Nicolas Meldeman, cité en 1569, possédait (entre autres) « deux mesures d’enclos à prendre au Lamesticq », c’est-à-dire à Lambresticq, ce qui traduit certainement une continuité patrimoniale avec Florent Meldeman, cité quelques décennies plus tôt dans le terrier de Tournehem.

Quant à Philippe Meldeman et Pierre, son fils, ces derniers sont connus des historiens ; ils sont cités par L.-E. de Rosny, dans ses Recherches généalogiques (7) : « Philippe de Meldeman, marchand de vin à Boulogne en 1551, greffier des insinuations, à Abbeville en 1526, échevin en 1553, allié à demoiselle Marguerite du Fay, veuve de Henri Maillart et fille de Jean du Fay, mayeur d’Abbeville, et de demoiselle Marguerite Le Fevre-Caumartin; d’où Pierre de Meldeman, écuyer, Sr de Roussebonne, échevin d’Abbeville en 1581, argentier en 1582, qui vent la maison des Gobelets à Boulogne, grande-rue Notre-Dame, venant de son père, le 17 juillet 1575. »

Je n’ai pas trouvé de fief nommé Roussebonne : en réalité, il faut certainement lire Coussebourne.

Ce fief de la cense de Coussebourne était, semble-t-il, distinct de la seigneurie du même nom, laquelle appartenait à cette époque à la famille de Renty (comme indiqué plus haut) et que l’on retrouvera peu de temps après entre les mains de la famille de Runes (cf. contrat de mariage de Charles de Runes, chevalier, seigneur de Foucquesolles, du 19 février 1635).

La composition de la seigneurie de Coussebourne est connue par un acte du XVIIIe siècle, qui précise que plusieurs autres fiefs en dépendaient (8) : « fief seigneurial nommé Coursebourne, consistant en argent, bled, volailles dues par les tenanciers cotiers ; d’où relèvent aussi plusieurs autres fiefs qui doivent reconnaissances et droits féodaux ; lequel fief de Coursebourne est mouvant également des Evesques de Saint-Omer et Boulogne. »

Il est donc possible que le fief de la cense de Coussebourne, qui appartenait aux Meldeman, fasse partie des arrière-fiefs de cette seigneurie.

 


(1) In : Chronique de Guines et d’Ardre, par Lambert, curé d’Ardre (918-1203), éd. par le marquis de Godefroy Ménilglaise, 1855, page 509 (lire en ligne).

(2) Dictionnaire géographique de l’arrondissement de Saint-Omer avant 1789, in: Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, tome 13, 1869, page 24 (lire en ligne) ; et la notice particulière sur Cosebourne, page 65 (lire en ligne).

(3) J. de Pas, Statistique féodale de l’Ancien Bailliage de Saint-Omer, tome 3 (supplément A-M), in : Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, tome 36 (1re partie), 1935, page 1144 (lire en ligne).

(4) Dictionnaire géographique de l’arrondissement de Saint-Omer (op. cit.), page 153-154 (lire en ligne).

(5) Archives départementales du Pas-de-Calais, Centième d’Artois de 1569, 2 C 1569/3, Audrehem, f°356-357 (vue 5vue 6).

(6) et (7) L.-E. de La Gorgue-Rosny, Recherches généalogiques sur les comtés de Ponthieu, de Boulogne, de Guines et pays circonvoisins, tome II, Boulogne-sur-Mer, 1875, page 975 (lire en ligne).

(8) Vente du 19 décembre 1768 du domaine d’Audrehem par le marquis d’Estrades, cf. J. de Pas, Statistique féodale (op. cit.), page 1015 (lire en ligne).

 

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